des idées derrière la tête
"Chassez le naturel, il revient au galop", pensez-vous vraiment ? Qu’est-ce que le naturel, qu’est-ce que l’artificiel ? Le monde tel qu’il nous est donné à la naissance est un monde construit, comme s’il était impossible à l’humanité de laisser l’univers tranquille. Les techniques et les technologies jouent un rôle majeur dans les transformations que l’humanité apporte au monde extérieur, ainsi qu’à elle-même. Tout évolue, tout involue. Le naturel et l’artificiel ont un point commun, celui d’être coincés entre enfer et paradis.
Le conseil général du Jura a mis fin à l’ « expérience tablettes » dans les collèges du département. Les tablettes y ont été introduites sans aucune précaution ; elles en sont retirées sans davantage de réflexion.
L’introduction des iPads et autres tablettes dans les établissements scolaires, dont François Hollande, alors député de la Corrèze, a été le fer de lance en France, ne suscite guère de réactions indignées.
Désormais, il est vain de discuter de la possibilité ou non du passage de ce monde, de cette culture, de cette civilisation, vers un autre univers, dans lequel le digital tiendrait lieu de technologie fondamentale. Il ne sert à rien d’en discuter car nous vivons déjà l’âge digital. Pourtant, rien n’est joué : l’ère digitale ne fait que commencer ; tout se trouve encore en chantier – et il est plus facile d’arrêter un chantier que de déconstruire ce qui a été élevé ! Surtout : le nouvel édifice suit un plan d’ensemble qui fait du numérique non seulement l’outil fondamental de ce monde, mais aussi son idéologie ; or, cette idéologie ne réussit à s’imposer que par son absence.
Eric Schmidt, PDG de Google, et Jared Cohen, directeur de Google Ideas (1), ont publié le 23 avril 2013 : The New Digital Age. Reshaping the Future of People, Nations and Business (« Le Nouvel Âge digital. Refaçonner le futur des peuples, des nations et des affaires »). Au 1er juin, leur ouvrage figure en tête des ventes Amazon outre-Atlantique dans les catégories « Computers and Technology - History », « Politics and Social Science – History and Theory », et est deuxième de la rubrique « Science and Math - Technology », derrière l’indéboulonnable biographie de Steve Jobs. Il ne s’agit donc pas d’un énième documentaire sur l’âge digital : nous voici face à un authentique ouvrage politique, qu’il serait folie d’ignorer.
S’entretenir avec Marin Ledun, auteur de romans noirs, c’est parler littérature et résistance, mais c’est aussi l’occasion d’évoquer les rapports qu’établit notre société avec la technologie et le profit, la beauté et la perversité des relations humaines.
Le tsunami de 2011 au Japon n’est pas la cause du désastre de Fukushima, pas plus que le tremblement de terre : ces déchaînements naturels ne servirent que de simples révélateurs. Fukushima est un événement politique bien plus que scientifique, industriel ou social – et absolument pas naturel.
Les livres pour la jeunesse, surtout documentaires, ont pu jouer un certain rôle il y a une quinzaine d’années dans le processus de repolitisation de la jeunesse. Mais depuis, l’arrivée massive de l’internet au tout début des années 2000 a transformé la jeunesse en une masse de digital natives gavés d’écran...
Le système technicien, « la Mégamachine », s’impose dans notre vie à travers l’internet, les systèmes de surveillance globaux ou encore la militarisation sans limite du monde, la diffusion d’informations qui ne sont que de la propagande, la nourriture transformée en alicaments pour parer l’empoisonnement généralisé des sols, de l’air et de l’eau, le culte insensé rendu à la vitesse et aux moteurs…
« Révolution numérique », « ère digitale », « fracture numérique » : autant d’expressions qui entérinent l’idée que plus rien ne sera plus jamais comme avant. À partir d’un tel constat, il ne reste qu’une seule alternative : nous digitaliser ou périr ! La perspective défendue ici est autre. Le livre, qui est annoncé comme première victime expiatoire de l’invasion numérique, a un futur. À plusieurs conditions, cependant.