des idées derrière la tête
Si vous souhaitez vous rendre intéressant, devenez journaliste. Prenez ensuite un pseudo derrière lequel, déclarez-vous, vous abritez votre prise de risque et protégez votre famille (les sujets que vous traitez sont si sensibles que vous et les vôtres pourriez finir une balle dans la bouche). Vous menez ainsi, jeune homme, une vie de roman noir, le genre qui inspire votre réflexion sur l’insécurité dans le pays.
Prenez (vous êtes si courageux) encore un risque tout en révélant votre abnégation : consacrez-vous tout entier à votre croisade. Démissionnez pour écrire ce livre sur la "France ensauvagée" qui fait peur au commun, surtout s’il est un assidu de l’usine à phantasmes appelée "journal télévisé".
Pour vous ces initiales : L.O. L comme Laurens. O comme Obertauni. Prenez pour votre livre un titre de cinéma. Cela vous aidera à asseoir le vôtre. Sa couverture orange le rendra visible sur les étals.
Le mystère de votre identité contribue à votre attractivité commerciale et médiatique. Faites savoir que vous avez aiguisé vos armes en traitant des faits divers journalistiques dans des villes de province. Vous recueillez ainsi vos lauriers de trimardeur aux prises avec la réalité brute. Votre légitimité en dépend, vous devez paraitre seul contre tous dans le milieu parisien qui vous sert de plate-forme d’envol.
Affichez votre alliance, vous qui venez du côté droit du Ring, avec un criminologue venu de la droite extrême qui depuis a fait son bonhomme de chemin. Il vous sert de parrain symbolique en indiquant la couleur.
Allez-y. Parlez. Soyez le versant sérieux de la pensée commune. Soyez le chainon manquant entre le peuple et les experts et dites ce que la vraie vie recèle de dangerosité, de déviance, de délinquance, d’horreur, de cauchemar. Accumulez les chiffres et les statistiques, revêtez la parure de la science dite objective : vos propos ne doivent pas avoir l’air de ce qu’ils sont ; non, ils ne viennent pas du comptoir de la franchouillardise car vous habitez le côté rigoureux du monde.
Ce que vous faites est très simple : vous vous employez à développer la popularité de votre criminologie des bas-côtés en traçant un trait d’union entre une expertise idéologique au regard oblique et le populisme d’extrême-droite.
Cerise sur la gâteau de votre stratégie : une élue blonde, héritière d’un para politique, contribue à votre promotion. Il paraît que ça marche. Les médias vous servent de relais et de tribune. La France tremble, elle a tellement peur ! Vous serez bientôt appelé pour lui changer ses couches. Vous ne manquerez pas de papier pour l’essuyer.