des idées derrière la tête
De loin : Alors quoi de neuf à NDDL ?
De près : Ça continue… En janvier, le Festizad – qui apporta le « festif » avec tous les risques du genre – nous a fait craindre le pire ; pour finir, dans la boue (et parfois dessous), ce fut un moment de vie et de contribution au mouvement. Le refrain était tentant : « De boue, les damnés de la terre… » !
De loin : Mon cher ami, je te trouve bien conciliant avec nos Zadistes qui ne trouvent rien de mieux qu’un festival de musique pour répondre à la déclaration de guerre « d’élus de l’Ouest de la France » publiée sur fonds publics dans la presse nationale en décembre, défendant leur projet d’aéroport qu’ils voient « érigé en symbole d’une lutte idéologique contre le progrès, le développement, et la croissance de nos territoires ». N’est-il pas paradoxal que ce soit leur ennemi qui rende public les vraies raisons des opposants ?
De près : Tactiquement, ce festival était au contraire bien vu : le quadrillage policier du bocage a été, c’est le moins qu’on puisse dire, contrarié. Et l’intelligence collective a esquivé les provocations. Cette situation provoquée avec des participants extérieurs aux cercles sympathisants habituels a pu avoir une vertu formatrice. Et pour prévenir toute tentative de coup de force à la mode des 23-24 novembre derniers, il n’était pas inutile de prendre les devants et de garder l’initiative. Ce moment inventif a concrétisé en outre le sentiment d’avoir défié collectivement et les éléments (la boue, la pluie…) et les barrages policiers. Il aura conforté les raisons des opposants, bien au-delà des procès d’intention des notables, qui voudraient circonscrire leur ennemi aux radicaux (forcément violents) et aux anti-croissance (forcément pour le retour à la bougie)… alors que la résistance est avant tout affaire de sensibilité, et ce qui se construit la prolonge, la preuve ! la beauté des barricades et de nombreuses maisons – le goût et la patience pour les élever. Autrement dit, les Zadistes œuvrent d’abord pour une autre vie qu’ils définissent en marchant.
De loin : Je ne mets pas en question l’exploration collective qui résulte de la confrontation des sensibilités diverses en présence : paysans, jeunes nomades s’enracinant, vieux radicaux…. Même s’il vaut mieux se tenir à la périphérie de ce qui émerge plutôt qu’au centre de ce qui s’effondre, la vie entre soi peut mener à la dilution du refus initial et non à son enrichissement. L’anarchie dans le bocage pour l’instant ce serait seulement toilettes sèches, dortoirs et cabanes dans les arbres ? Le pouvoir peut trouver moindre mal de parvenir à cloîtrer dans ce parc-à-thème libertaire cette contestation diffuse qui monte contre le développement-à-marche-forcée et qui les inquiète (une fois encore la déclaration des zélus), pour éviter qu’elle ne déborde.
De près : Tu n’as sans doute pas tort en pointant la tendance dans la ZAD à l’auto-satisfaction. Il y a pour cela des raisons légitimes : on respire ici, on discute, on se rencontre, on improvise, on s’entraide. Mais évidemment comme la chanson en énonce le risque : « on recule à force d’être stationnaire ». Pour l’instant, pas d’inquiétude de ce côté-là, car ça avance dans tous les sens, combinant escarmouches et constructions, asphyxiant toute velléité de récupération. Mais au loin que faites-vous ?
De loin : On se retient de brailler « ZAD partout ! », malgré toutes ces Zones à Défendre… terres agricoles menacées partout, mobilisations contre les gaz de schistes, l’éolien industriel, les lignes de TGV en projet. Ce qu’il y a d’emblématique à NDDL a permis que beaucoup d’affinités se révèlent dans les régions. Ce conflit a produit cet échec majeur de l’Etat de coaliser ses ennemis ; de même qu’à NDDL, où malgré toutes ses tentatives, il échoue à diviser les opposants. Mais, pour préserver ce succès, les opposants doivent-ils taire les désaccords entre eux, qui ne manqueront pas de survenir si des questions de fond sont soulevées ? – ce que pourrait provoquer l’ignoble proposition de référendum local des zélus zélés d’EELV. Par exemple le chantage à l’emploi à tout prix que le pouvoir ne va pas manquer d’utiliser contre ce manque à exploiter que concrétiserait l’abandon du projet d’aéroport. Un clivage existe dans l’opposition entre ceux qui rêvent encore d’une économie assainie avec de "vrais emplois" et ceux qui ne voient dans le travail salarié qu’un artifice, qui abîme la vitalité, une pseudo-nécessité entretenue seulement pour brasser des capitaux.
De près : Je comprends que de loin ce côté informel de l’opposition, conjuguant les initiatives plutôt que les coordonnant, apparaisse insaisissable et risqué ; risqué, j’en conviens, en ceci que les opposants n’éprouvent pas le besoin stratégique de pousser toujours plus loin leur refus en prenant à revers le maintien de l’ordre ; c’est-à-dire d’étendre l’opposition à l’aéroport et son monde, par la diffusion dans la population, derrière les lignes de l’assiégeant, de toutes les raisons de haïr l’asservissement central, l’embrigadement dans le travail, qui s’est avéré de manière aveugle et cumulative si nuisible pour les relations humaines et pour l’état de la planète. Mais qui dit résistance insaisissable et multiforme convient aussi qu’elle en devient difficilement manipulable…Rien n’est écrit d’avance et là est ce qu’il y a d’excitant à NDDL.
De loin : La lumière qui filtre à travers cette brèche a captivé les lycéennes du Puy-en-Velay, et leur a fait rejoindre, par delà 650 kilomètres de chemins buissonniers, cette terre d’espoir et d’expérimentation.
A SUIVRE...